samedi 15 janvier 2011

Un peu d'Irlande en Bretagne

A mesure que se dessinait les derniers mois que nous passons en France, il est apparu clair que des incursions en Europe ne seraient malheureusement pas possibles. Parmi tous les endroits magnifiques que nous avions en tête de visiter, mon plus grand regret est l'Irlande. Dès nos premiers mois ici, j'avais acheté le Routard à la couleur dominante verte et je le feuilletais avidement! Tout semble si beau, si magique là-bas, et en plus une compagnie d'aviation irlandaise organise des vols Nantes-Dublin à des prix plus qu'intéressants! Malheureusement, le temps de vacances requis pour qu'un tel voyage vale la peine nous manque, et j'ai donc dû en faire mon deuil. C'est ce que c'est réellement pour moi, un deuil, de ne pas visiter ce bout d'Europe aux habitants réputés si chaleureux, aux pubs légendaires, aux falaises affrontant les embruns, terre de mystère et de créatures fantastiques...

La Bretagne, peuplée en partie par les mêmes tribus Celtes que celles qui se sont installées au pays du trèfle à quatre feuilles, a entendu mon appel, a compris mon désir de voir ces paysages de côtes sauvages que la mer fouette inlassablement. Le week-end dernier, Sarah-Catherine était partie à Toulon présenter son mémoire de danse-thérapie, et le pays me faisait signe depuis quelques temps qu'il me fallait aller à sa rencontre. Alors j'ai répondu à l'appel. J'ai pris un petit sac de provisions, un plein sac de tout le nécessaire pour passer le week-end hors de la maison et le réservoir plein, je suis parti pour la Bretagne.

Le temps était incertain. Il pleuvait légèrement, la météo pourtant prometteuse se laissait désirer. Après une heure de voyage, à l'écoute de ma petite voix, je décidai d'arrêter à l'improviste chez des connaissances dont nous avions gardé le chien au printemps dernier. Je n'étais même pas sûr de retrouver le chemin de leur maison mais je le retrouvai bel et bien. Mais je ne sais pourquoi, je n'osais pas m'arrêter. Je crois que j'avais peur de déranger. Mais finalement, qu'avais-je à perdre? Je trouvais pathétique cette gêne extrême de ma part. Mais je pris le parti d'aller vers eux finalement et je fus enchanté de l'accueil. Toundra était bien contente de me voir, tout comme son Allan maître d'ailleurs. Cécile, la maîtresse de maison, était ailleurs ce jour-là. Je pris le thé avec Allan et ses amis, puis je partis en même temps qu'eux, toujours vers l'Ouest, le coeur léger et heureux d'avoir renoué ce lien.


La journée avançait et je me demandais où j'allais. Je me disais que je conduirais jusqu'à ce qu'il arrête de pleuvoir ou qu'il fasse nuit, après quoi je ferais demi-tour. En vérité, je n'ai pas su où aller avant d'être tout près. L'été dernier, j'étais allé avec Sarah sur la presqu'île de Quiberon (Kiberon), où nous avions passé une journée fantastique sur un plage de surfeurs, avec des vagues hautes et fortes, dans lesquelles nous nous sommes amusés durant des heures. Mais on m'avait maintes fois parlé des beautés de cet endroit et je sentais qu'une autre exploration me ferait découvrir quelque chose de bien. Alors comme l'heure avançait et que je passais la sortie d'autoroute qui annonçait Quiberon et Carnac, je décidai de la prendre.


Je passai rapidement Carnac et ses menhirs, que j'avais déjà aperçu l'été dernier avec Sarah et ses parents. Mais peut-être les avez-vous manqués? Les voici:




Je m'arrêtai cependant à un lieu de veilles pierres que je n'avais pas encore découvert, seulement croisé au hasard de la route sans jamais m'arrêter. Le Dolmen de Mané-Kerioned.


Ces roches ont été assemblées en trois ensembles cohérents, avec des menhirs tout autour pour monter la garde, il y a plus de cinq mille ans.

Les installations sont de petite taille, du moins pour deux d'entre elles. On peut passer sous les pierres surplombantes, mais il faut se mettre à quatre pattes, comme on peut le voir.


Le troisième dolmen est pratiquement sous terre. Un escalier permet d'y accéder. Là-dessous, même de jour, c'est le noir quasi-total. J'osai à peine avancer, puis finalement, à coups de flash, je me rendis jusqu'au fond du noir, à environ dix mètres de l'entrée. La pierre centrale au fond du dolmen comporte des inscriptions millénaires, gravures au sens incertain, à jamais enfouies.



L'ambiance du lieu respire la légende, l'aventure. J'ai vraiment le sentiment d'être là où je dois être. Et que je dois poursuivre ma route.






J'arrive à Quiberon, et une bouffée d'émotion me prend alors que sur la droite de la route, les vagues de l'Atlantique arrivent en rouleaux innombrables sur le sable le long du filet de terre ferme qui relie la presqu'île à la Bretagne. Je passe le point où Sarah et moi nous étions arrêtés pour profiter de la plage et descend plus au sud. Rendu au petit village de Portivy, j'arrête la voiture dans un parking séparé de la plage par une petite crête. Je monte au sommet et un spectacle venteux, la Côte Sauvage, déploie des vagues grandioses, des falaises de pierre nue surplombées d'une végétation basse, des ruines se dressant au loin dans la tourmente, un ciel qui ne laisse rien présager de bon avec toutefois au lointain une légère bande orangée qui annonce la fin du jour.




Je suis tellement heureux d'être là. Je fais le tour du petit bout de côte où la nature a été préservée d'un bon pas, parfois en courant parce qu'un point de vue précédent m'a laissé entrevoir ce qu'il y a plus loin. Je me dépêche aussi car le soir tombe et je ne veux rien rater du spectacle. Pour le moment, la lumière qui baisse rajoute un charme sombre au spectacle.


Arrivé à ce que je crois être le point le plus éloigné de toute habitation, il y a des ruines. On croirait voir une ancienne chapelle, vue de loin. Mais de près, il semble que ce soit en fait une maison de béton, vieille de plusieurs décennies sans doute mais pas plus. Par contre autour de la maison, des pierres jointes par du mortier pavent le sol et parmi elles, de grandes dalles rectangulaires pointant vers différents horizons et portant en inscriptions le lieu vers lequel chacune s'étend.



Et tout autour, le fracas des vagues qui frappent violemment la paroi rocheuse de Quiberon, les oiseaux de mer qui volent çà et là dans un vent imprévisible qui caresse les chardons et les ronces non loin du bord. C'est magique. Dans ce monde si brut et menaçant, je trouve une poésie sans fin, et je me sens chez moi. Je suis très ému.



Je rejoins à peine la voiture une fois le soir tombé. Ce soir-là, je suis revenu chez moi à la noirceur, sous une pluie incessante. Le retour fut long et fatiguant. Mais il comptait pour bien peu, comparé à ce que j'avais contemplé autour de moi ce jour-là. Et davantage encore comparé à ce que l'expérience de cette journée m'a permis de contempler en moi-même.